Investir dans le vin, un business rentable ?

S’il ne fait aucun doute qu’une collection de grands vins de garde a de quoi faire pétiller le regard des amateurs, pouvoir la constituer requiert de mobiliser une somme conséquente. En effet, une bouteille en provenance d’un château prestigieux peut se vendre pour plusieurs centaines – voire plusieurs milliers – d’euros. Toutefois, contrairement à ce que bon nombre de profanes s’imaginent parfois, il ne s’agit pas d’une passion à fonds perdus, et à condition de suivre quelques règles – relativement – simples, il est même possible d’en faire un investissement particulièrement rentable.

De prime abord, associer les termes « vin » et « investir » dans la même phrase peut sembler curieux, et davantage encore lorsqu’il est question d’excellente profitabilité vis-à-vis d’un « placement » qui ne génère aucun intérêt, ni aucun dividende. Qui plus est, si le marché des actions et des obligations paraît encore – malheureusement – obscur pour de nombreux épargnants, sans même parler de celui des produits dérivés, alors que dire de la niche que représente la classe des actifs réels dans laquelle figure le vin … Cette ignorance du grand public est d’autant plus regrettable que plusieurs études ont démonté qu’au cours du siècle dernier, le retour sur investissement des grands crus – de Bordeaux, notamment – était équivalent, et parfois supérieur, à d’autres formes plus « classiques » de placement. L’objet du présent article consiste justement à réparer cette injustice, en présentant l’ensemble des tenants et aboutissants de ce type d’investissement.

Entre bénéfice émotionnel et relativité de la qualité gustative.

1841 Ch. Lafite – 75cl

Comme nous l’avons précédemment évoqué, le vin ne rapporte pas de coupons et, contrairement à un livret réglementé, nul ne peut prétendre connaître avec certitude son taux de rémunération annuel. Cela étant posé, s’agissant d’un article de collection – au même titre que les voitures anciennes ou bien encore les objets d’art – le bénéfice généré pour le propriétaire transcende le cadre strictement monétaire. De fait, pour obtenir un calcul de rendement aussi précis que possible, il convient d’inclure à l’équation le bénéfice non-financier, à savoir celui du plaisir de posséder des vins de garde. Bien entendu, ce dernier n’est pas fixe dans le temps, et il peut notamment évoluer à mesure qu’une bouteille gagne en rareté.

En ce qui concerne la corrélation intuitive entre le goût d’un grand cru et son prix, elle est réelle, mais uniquement sur un certain laps de temps, qui oscille le plus souvent autour de trois décennies. Dit autrement, les vins de garde tendent à prendre de la valeur – et plus le millésime est réputé, plus rapide et forte sera l’ascension – pendant une trentaine d’années, à mesure que la maturité du breuvage améliore sa qualité gustative. Toutefois, au-delà de cette limite, les vins entrent dans la période déclinante de leur cycle de vie, ce qui n’empêche pas les prix des meilleures bouteilles de continuer à grimper. Une telle évolution peut sembler étonnante, mais elle s’explique simplement par le fait que les châteaux prestigieux et millésimes réputés dont il est question acquièrent alors le statut envié d’objet de collection.
Ainsi, soyons clairs et pragmatiques, un Lafite de plus de cent ans n’a absolument pas vocation à être bu, mais tout amateur éclairé souhaite en posséder un dans sa cave, ce qui justifie sa côte soutenue.

Un placement aussi atypique qu’intéressant

Les études portant sur une mesure objective de l’intérêt d’investir dans les vins de garde sont relativement peu nombreuses, mais certaines – dont celle de Christophe Spaenjers – méritent que l’on s’y intéresse de près. En effet, en se basant sur les premiers crus de Bordeaux, il est apparu qu’entre 1900 et 2012, la rentabilité du placement dans les vins était supérieure à 5% par an, ce qui n’a rien de ridicule. Bien au contraire, ce taux dépasse même celui des obligations d’Etat sur la même période.

En outre, cette étude permet de rappeler que si certaines bouteilles avoisinent 10 000 euros, la plupart des vins de garde sont accessibles pour environ 1 000 euros, ce qui représente une somme tout à fait raisonnable vis-à-vis du marché de l’art. Qui plus est, si l’on tient compte du coût nécessaire au stockage de ces précieuses bouteilles, le ROI reste supérieur à 4%, et les baisses du marché en période de crise économique sont bien plus limitées que d’autres classes d’actifs comme l’immobilier ou les actions.

A ce propos, notons que des fonds spécialisés permettent aujourd’hui d’acheter des parts de bouteilles issus des châteaux les plus prestigieux sans posséder une seule bouteille chez soi – dans ce cas, cependant, aucun bénéfice émotionnel à attendre. Par ailleurs, depuis 2012, la tendance ne ralentit pas ; bien au contraire, elle s’accélère, puisque l’arrivée constante de nouveaux investisseurs chinois continue de pousser les prix vers le haut.

Un outil de diversification, à condition de respecter certaines règles

Dans la mesure où ce qui va sans dire va souvent mieux en le disant, soulignons qu’un investissement dans les grands crus ne peut s’envisager que dans une perspective de diversification patrimoniale. Ce n’est qu’après avoir constitué une épargne de précaution, ouvert une assurance-vie et réalisé au moins un investissement immobilier, qu’il devient réellement pertinent de s’intéresser aux vins. En outre, bien qu’il ne soit plus nécessaire d’être un véritable expert pour générer des gains, mieux vaut ne pas se lancer en pur dilettante. Après tout, nous vivons dans le pays qui est le premier exportateur de vins au monde, et qui abrite plus de 750 000 hectares de vignoble, si bien qu’acquérir un minimum de connaissances en la matière revêt une certain degré d’évidence.

Parmi les éléments à maîtriser, notons tout d’abord que ce marché – comme tous les autres – connaît des cycles de hausse et de baisse, et qu’un achat réalisé « au mauvais moment » nécessitera de faire preuve de patience pour ne pas réaliser in fine de vente à perte. Inversement, savoir solder ses gains est également indispensable, car comme pour les actions, le dicton « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » reste parfaitement valable. Savoir être patient est d’autant plus indispensable que le marché des vins impose d’attendre leur période de raréfaction pour maximiser les bénéfices. Qui plus est, on ne revend pas un Lafite aussi facilement qu’une action Air Liquide … et ce problème de liquidité oblige, là encore, à savoir anticiper sur ses besoins. Au final, on estime à 10% maximum le pourcentage d’un patrimoine à consacrer à la collection de grands crus.

En matière de fiscalité, il convient de rappeler qu’il existe une exonération totale sur les gains réalisés tant que le montant annuel de ventes reste inférieur à 5000 euros. Au-delà, la plus-value subira 19% de prélèvement obligatoire, et 17,2% de prélèvements sociaux, mais avec un abattement de 10% par an dès la troisième année de possession. Pour les fonds d’investissement spécialisés, l’exonération est totale – et définitivement acquise – à condition de réinvestir les gains pendant 5 ans. En tout état de cause, la fiscalité de ce placement est nettement plus intéressante que les investissements purement financiers.

En guise de conclusion, soulignons que savoir s’entourer reste un facteur-clé de succès, et dans le cas des vins, connaître un bon caviste ainsi qu’un expert dans le domaine sera un indéniable plus pour sélectionner les grands crus qui gagneront le plus en valeur. N’imaginez pas qu’un petit cru de supermarché puisse être une pépite en devenir, pour la simple et bonne raison que la qualité intrinsèque et initial du breuvage se paye. C’est un peu comme l’emplacement dans le monde de l’immobilier – un élément déterminant pour le placement dans sa globalité.

Dites moi dans les commentaires si vous avez déjà investi ou souhaitez investir dans le vin ? 

  1. Bonjour,

    Jusqu’à présent je ne comprenait pas l’intérêt d’acheter des bouteilles onéreuses sans les boires. Je n’avais pas envisagé qu’on pouvait considérer ces mêmes bouteilles comme des « œuvres d’art » que tout bons collectionneur souhaiterait acquérir une pièce un jour.
    Merci pour cet éclairage fort intéressant.

    Bravo pour le site! j’aime beaucoup la tournure des articles!

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